mercredi 21 février 2018

Le jour où j'ai fait le con.


Alors voilà, j’ai eu un accident de surf. Ou plutôt un accident en allant surfer. Et je me suis blessé assez sérieusement cette fois. Fracture des cervicales, tassements de vertèbres, quelques points de sutures sur le crâne et une vilaine cicatrice en forme de virgule Nike sur la nuque. J’espère qu’ils me fileront du pognon car je suis une publicité ambulante. Demain je passe sur le billard pour une opération simple où on va m’injecter du ciment dans la vertèbre, alors j’espère que je prendrai pas trop de poids (à cause du ciment hi  hi).

Je me suis fait un peu peur, pour de vrai. J’ai même cru l’espace d’un instant que la grande balade s’arrêtait là. Ca fait un peu bizarre de côtoyer même brièvement cette zone de la pensée. Pourtant je ne crois pas en ressentir un quelconque traumatisme et c’est tant mieux. Dès les premiers heures sur mon lit d’hôpital, j’ai eu envie de raconter ce qui s’est passé. Je sais pas trop pourquoi. Je crois que c’est une des choses les plus extraordinaires qui me soient arrivés émotionnellement parlant et j’ai eu envie d’en garder une trace. N’attendez pas trop d’humour, c’est pas le but ici. Et je garde ça pour le raconter sur scène.

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Le spot s’appelle Dracula’s, à une heure de route au Nord d’Agadir, au Maroc. Les spots de surf tiennent souvent leur nom d’une proche localité géographique ou d’un élément de paysage. Parfois il y a même une petite histoire qui vient avec, comme c’est le cas ici. Dracula’s est plongé dans un sommeil profond à marée haute, la mer est plate et le surf impossible. Puis quand la marée descend, des roches pointues émergent de l’eau telles les dents du vampire qui vient de se réveiller et le fracas inquiétant des vagues se met alors en route. Ca vous donne un aperçu de l’hospitalité du lieu. Néanmoins, même si les bons jours la vague peut s’avérer puissante, voir de classe mondiale, il y a suffisamment de fond en cas de chute et il est même possible d’échapper à la série qui s’abat sur vous en la contournant par une zone calme au sud. En gros une fois à l’eau, c’est que du plaisir.

Le vrai problème de Dracula’s en vérité, c’est la mise à l’eau. C’est dangereux, réellement dangereux. J’apprendrai plus tard par une figure du surf local que les jours de grosse houle, les locaux se mettent à l’eau à Boilers, un spot situé 2 km plus au nord puis rament ou se laissent dériver jusqu’à Dracula’s. De même, ils font leur sortie encore plus loin au Sud cette fois, à Camel Point, et regagnent leur voiture après une marche de 45 minutes. Cela montre à la fois l’attrait que peut avoir cette vague mais aussi la crainte qu’inspirent l’entrée et la sortie de l’eau.

Voici ce que l’on voit quand on arrive sur place. Il n’y a pas de plage de sable, ni de cailloux ronds ou de dalle plate sur lesquels on peut progresser correctement avant de commencer à ramer. C’est un enchevêtrement chaotique de roches rugueuses, voir coupantes, certaines immergées d’autres non et d’étendues d’eau peu profondes et tapissées d’oursins indétectables. Des courants contraires se baladent au gré des obstacles, et à certains moments l’eau se retire pour faire apparaitre la roche nue, si bien que l’on peut penser être sorti de la zone dangereuse lorsque soudainement, on se retrouve au sec, posé sur la roche comme un coquillage, à la merci de la prochaine vague qui arrive. Car c’est bien là le risque, se retrouver au milieu de ce champ de mines lorsqu’un épais mur d’écumes arrive droit sur vous et qu’il est impossible de passer dessous par manque de fond. Quand ça arrive malgré tout, tu serres les dents et pries pour avoir une bonne mutuelle. Et cela arrive.

Malgré l’inhospitalité de l’endroit, je décide de me mettre à l’eau, passablement excité par les murs d’eau lisse que je vois déferler devant moi. Il y a très peu de monde à l’eau, ce qui est inespéré vu la qualité des vagues et ajoute à mon ébullition. Florent reste sur le bord, cool, j’aurai de belles photos. On va à la voiture récupérer ma planche et je fais alors une rencontre qui changera le cours de ma journée, de mes vacances et peut-être un peu aussi, de ma vie. Un marocain affable, la quarantaine souriante, se tient là sans que l’on sache trop pour quelle raison. Même en pleine nature dans ce qui n’a rien d’un parking, il y a toujours une sorte de gardien auto-proclamé censé veiller sur les voitures moyennant 5 ou 10 dirhams. Me voyant en combinaison, il décide de me prodiguer un conseil sur la mise à l’eau. C’est la spécialité du coin, donner des conseils. Manque de bol, c’est à ce jour et sans conteste le pire conseil que j’ai pu recevoir dans ma vie. Dans ma description du bord de mer, j’ai oublié de mentionner qu’une sorte de mini presqu’île de 10 mètres de long, 5 de large et d’un mètre de hauteur avance sur l’océan, un peu à la manière d’une jetée naturelle. L’homme me dit de monter dessus, de marcher jusqu’à son extrémité et hop, de sauter à l’eau pour être directement dans la zone d’eau profonde et éviter ainsi le champ de cailloux/oursins. Je n’y avais pas pensé mais l’idée me plait et je le remercie du « tuyau ».

J’attrape ma planche sous le bras, descend sur la rive et commence à marcher sur les premiers rochers qui s’avancent vers la mer. Pour accéder à la presqu’île, il y a un chenal naturel d’un mètre de large, je le traverse en me laissant flotter à plat dos pour éviter les oursins, tout en essayant de retenir ma planche qui part avec le courant. Flo me suit des yeux, ça me rassure mais putain que je déteste cette mise à l’eau. Je me hisse sur le rocher final. Il parait plat mais en réalité il est impossible de poser un pied stable, c’est une succession de crêtes acérées et de trous remplis d’eau qui m’obligent à faire le funambule, tout en essayant de retenir ma planche qui prend le vent et menace de me faire tomber. Poser une main pour avoir un troisième appui n’est pas non plus une option car la roche est trop rugueuse. J’arrive près de la supposée zone de mise à l’eau. Les vagues viennent se briser sur la base de la presqu’île, créant une gerbe d’eau qui la recouvre en partie. Ici se situe le dilemme. Il me faut attendre une accalmie pour sauter, sinon je me fais projeter contre la roche par la vague entrante et c’est la catastrophe. Mais je ne peux pas non plus patienter trop loin de la zone d’impact qui est aussi la zone de mise à l’eau, sinon le temps d’y accéder et l’accalmie a pris fin. Je reste donc assis sur place à attendre le moment opportun, essuyant les paquets d’eau qui me recouvrent à moitié et manquent d’emporter ma planche. Derrière mon dos se situe une saignée dans la presqu’île, parallèle au rivage et qui laisse entrer un étroit bras de mer, un mètre en contrebas. Il doit y avoir 80 centimètres de fond. Il me devient de plus en plus difficile de garder ma position et je commence à avoir peur, tous mes sens me disent que je dois quitter cet endroit. Je décide de m’écarter pour réfléchir à une meilleure tactique. Ok après cette vague je bouge. Je n’en aurai pas l’occasion. Une énième vague vient buter contre la roche et tout ce que je sais, c’est que l’instant d’après je suis dans l’air, éjecté comme un bouchon de champagne sans avoir pu opposer la moindre résistance. Aveuglé par l’écume, je me sens tomber à la renverse, la tête en bas et les jambes au zénith. J’atterris dans l’eau et l’arrière de mon crâne vient heurter un rocher dans un bruit sourd, le menton contre mon torse et tout mon corps en flexion, comme un fœtus.

J’ouvre les yeux.

Je suis sous l’eau, le souffle coupé, les jambes et les bras écartés en direction de la surface dans une sensation d’apesanteur. Je vois distinctement l’eau verte et limpide éclairée par les rayons du soleil qui prennent forme au contact des particules en suspension et plongent vers moi. Je ne bouge pas mais je n’ai pas vraiment l’impression d’essayer. L’expression « le temps suspend son vol» prend alors tout son sens. Avant de faire quoi que ce soit, mon corps semble traiter l’avalanche d’informations qu’il vient d’acquérir ces 3 trois dernières secondes, mélange d’images de la vague, de la chute, du bruit de mon crâne et des diverses sensations de douleurs qui commencent à affluer.
La combinaison me fait remonter à la surface. N’ayant toujours pas bougé, j’ignore si je suis paralysé mais comme ma bouche remonte en premier, je prends une grande inspiration car je redoute de pivoter dans l’eau et de ne pas pouvoir me retourner pour respirer avant que Flo ne vienne à mon secours. Heureusement, mes mains se remettent à bouger rapidement, puis mes pieds, et de proche en proche j’arrive à actionner le reste de mon corps.

Je suis à quelques mètres de la rive et une vaguelette m’aide à m’en rapprocher. J’ignore dans quel état physique je suis. Je sens que je viens de subir un choc violent mais je suis aussi tout à fait conscient. J’arrive à bouger mes membres mais beaucoup plus difficilement que d’habitude. Suis-je en train de devenir paralysé ou au contraire les choses s’améliorent-elles ? J’ai des étourdissements et l’espace de quelques secondes, je me dis que c’est certainement la fin. La seule pensée qui me vient est pour ma famille. Je me sens profondément triste de les quitter sans pouvoir les prévenir. Comme si mourir ça va, mais faut prévenir avant.

Flo se précipite vers moi : « ça va ??? » J’ai peine à parler mais ma réponse est aussi directe que honnête « Non ». Je me mets difficilement debout, sans oublier de regarder s’il y a des oursins. J’aime vraiment pas les oursins. Je me livre à un rapide auto-scan de mes sensations physiques. Je ressens des douleurs à l’arrière du crâne, aux bras et à l’intégralité du dos. J’ai beaucoup de mal à respirer et mes abdos se contractent tout seul, sans que je puisse y faire quoi que ce soit. Et je crois sentir un filet de sang dans ma nuque. J’enlève le haut de ma combinaison pour ne pas que les secours la découpent plus tard. C’est tout ce qu’il ne faut pas faire après un choc à la colonne vertébrale mais il semble que je sois plus radin que prudent.

Il ne fait pas de doute que tout cela va finir à l’hôpital, à 45 minutes de route. Je ne sais pas si j’ai le temps d’attendre une ambulance alors on décide de prendre notre voiture. Le type qui nous a filé le « tuyau » sur la mise à l’eau est toujours sur le parking. Au moment de réclamer ses 10 dirhams, il me regarde… et s’abstient.

Sur le trajet, on est tous les deux flippés alors on joue au jeu de celui qui le montre le moins à l’autre. Je respire toujours comme une femme sur le point d’accoucher, bruyamment et avec la bouche ouverte. Mes abdos ne cessent de se contracter tout seuls, je suis en train d’exploser mon record de gainage. Comme ma tête a tapé assez fort le fond, nous sommes surtout inquiets pour une éventuelle hémorragie. On a de vagues notions des symptômes qui apparaissent dans ce genre de trauma, alors on se rassure mutuellement. « Tu sens des picotements dans les membres ? Non je crois pas. J’ai pas de nausées non plus. Par contre j’ai mes paupières qui tremblent et j’ai envie de dormir. Dors pas, reste éveillé. Ok parles moi alors. » Il ne trouve pas vraiment de sujet de conversation alors je propose « Vous vous êtes rencontrés comment avec ta copine ? » Il se lance dans l’explication et je me souviens d’une vague histoire de Tinder qui a finalement profité à son pote mais la nouvelle copine de celui-ci a ensuite présenté sa copine actuelle à Flo. Un truc plutôt mignon mais que je n'arrive pas à apprécier pleinement. Ca me permet au moins de penser à autre chose car je suis vraiment inquiet pour ma respiration et j’ai l’impression que mes abdos vont exploser. Je me sens faiblir et l’envie de dormir s’accentue.

On arrive vers Agadir, on décide de s’arrêter dans une pharmacie pour demander s’il vaut mieux attendre une ambulance. On nous répond qu’on est presque arrivé, autant y aller nous-même. Comme on ne connait pas l’adresse, on s’arrête auprès d’un taxi et on lui demande de nous y conduire. Il dit oui mais au lieu de se mettre au volant et de nous ouvrir la route, il se met à héler d’autres taxis pour faire le boulot à sa place. Je me sens totalement impuissant mais Flo est là pour insister. Le type finit par accepter mais avant de montrer dans sa voiture, il nous lance un « 50 Dirhams ok ?». J’éprouve une intense montée de haine, teintée d’une colère impuissante. Je suis en train de crever fils de pute, comment peux-tu… On démarre.

Quelques minutes plus tard, on est garés devant la clinique Al Massira d’Agadir. Flo s’éjecte et pénètre dans le bâtiment. Il revient et le chauffeur de taxi le harcèle pour payer.
La tension montre entre les deux. Je lui intime un peu violemment de le payer, le type me stresse et j’ai envie que ça s’arrête. J’avais rêvé pendant tout le trajet de cet instant où je serais enfin pris en charge par des professionnels qui me rassureraient et pourraient faire le nécessaire si mon état se dégradait brusquement. C’était comme atteindre une oasis après une longue et stressante traversée du désert, pour donner dans la métaphore locale. C’est le contraire qui a lieu. Mon stress monte en flèche dès les premiers contacts avec les soignants de la clinique et j’ai l’impression de me retrouver dans une comédie française des années 70 avec Pierre Richard et Louis de Funès qui jouent tous les rôles des médecins et infirmières.

Quelques longues minutes après le retour de Flo, un grand type habillé comme un vigile securitas arrive muni d’un fauteuil roulant. Il le pose à côté de ma portière et attend sans dire un mot. J’ai décidé qu’il ne me fallait plus bouger par moi-même tant que j’ignore ce qu’il m’arrive et de toute façon la douleur, maintenant que mon corps s’est refroidi, m’empêche de bouger. Ma respiration de cheval et ma face livide ne semblent pas émouvoir le grand homme qui reste immobile. Tout cela ajoute à ma confusion et je hurle : « Docteur ! Docteur ! appelle un docteur ! ». Il s’exécute. Un grand homme longiligne en blouse blanche débarque avec une extrême nonchalance. Je lui donne entre 75 et 80 ans, sans exagération. En vérité je sais pas s’il est nonchalant ou somnambule. Il « tangue » sur ses jambes de gauche à droite et lui non plus ne semble pas du tout pressé de savoir pourquoi je respire aussi fort et ne bouge pas d’un centimètre. Je prends les devants et lui explique l’accident. Il me fait sérer son poignet, j’y parviens, bouger les pieds, j’y arrive aussi. Il faudra faire un scanner de la colonne, me dit-il. Avec grand plaisir. Mais maintenant on fait quoi ? Il n’y a toujours pas la moindre proposition de qui que ce soit. Je suis anxieux parce que je me sens de plus en plus faible mais je reste mal à l’aise à l’idée de crier sur un médecin qui, je le crois encore à cet instant, sait ce qu’il fait. Après un long flottement et l’appui de Flo, on finit par leur faire comprendre qu’on a besoin d’aide pour me mettre dans le fauteuil. Un autre homme arrive et on m’extrait de la voiture. Cela doit faire 10 minutes qu’on est arrivés sur place.

Je suis amené dans une salle qui donne sur le hall d’accueil. Deux infirmières se trouvent là et le médecin me dit qu’il a appelé le neuro-chirurgien. « Il sera là dans 30 minutes ». Je suis abasourdi car je me sens de plus en plus faible et je ne sais toujours pas si cela saigne dans mon crâne. « Mais est-ce que moi je serai là dans 30 minutes ??? » Il ne dit rien.  Les infirmières me font une perfusion de doliprane puis s’en vont. Pendant quelques minutes, je suis seul sur mon fauteuil, au beau milieu de la pièce, dos à la réception de telle sorte que je ne peux pas voir ce qui s’y passe. Parfois elles reviennent. L’une d’entre elle se met à bouger le fauteuil. Mes pieds raclent le sol car je ne peux pas lever les jambes tout seul. Une vive douleur se propage à tout mon corps. Je crie « non non non  arrêtez !!». Elles commencent à s’engueuler entre elles, je n’y comprends rien. Je sens l’agressivité monter en moi mais j’essaye de me calmer « il faut que vous mettiez mes jambes sur les repose-pieds si vous voulez me déplacer, dis-je haletant et aussi calmement que possible». C’est ce qu’elles font puis elles me déplacent de 50 centimètres, sans aucune raison. Je commence à avoir envie de vomir ou du moins je crois en avoir envie, j’ai du mal à faire confiance à mes sensations. Il y a désormais 4 ou 5 personnes autour de moi qui s’emblent s’invectiver en arabe mais personne ne me parle. Ma vision commence à se brouiller, j’ai froid et je me sens très faible. Mes abdos ne se sont pas relâchés depuis maintenant une heure. On prend ma tension. Flo passe la tête par la porte. C’est la seule personne en qui j’ai confiance à cet instant. Je lui dis d’un ton calme et en cachant ma panique, pour qu’il ait l’information : « Je vais m’évanouir dans quelques secondes. ». Au même moment et dans une synchronisation parfaite, le neurochirurgien entre dans la salle alors que l’infirmière donne le résultat de ma tension : 7,5. « D’habitude je suis à 12, leur dis-je ». Je regarde le médecin, une sorte de George Clooney marocain période Urgences qui dégage une certaine assurance. A l’annonce de ce « 7,5 », tout s’accélère subitement. Clonney dit « on l’amène en réa » et tout le monde s’agite. On me soulève de mon fauteuil et m’installe sur un lit. Mes abdos se relâchent enfin. Je suis très vite transporté au service de réanimation. Tout cette agitation a pour effet d’augmenter mon inquiétude et j’envisage à nouveau, pendant un court instant, le pire. L’apparente sérénité du médecin et de l’équipe qui m’accueille fait retomber la pression et la position allongée me fait regagner quelques forces. Paradoxalement, c’est au moment où je sens que je ne vais plus m’évanouir et que je suis tiré d’affaire que l’émotion se fait la plus forte. Je décompresse et le stress qui jusqu’ici me maintenait dans une sorte de tension vitale s’efface en ouvrant la vanne des émotions. En quelque sorte, je réalise. Je repense à la chute et je me répète « j’ai déconné putain, j’ai déconné ». Les larmes me montent aux yeux mais je ne vais quand même pas chialer devant George Clooney alors on en reste là.

On me tourne sur le flanc pour examiner mon crâne. Une discussion assez technique débute entre le neuro-chirurgien et l’infirmière qui se tiennent dans mon dos. J’écoute distraitement. Il y est question d’un tuyau. Le médecin dit :
-       - Il fait un mètre, c’est curieux.
-       - Ah oui il est un peu long.
-       - D’habitude c’est du 75 cm.
-       - C’est vrai oui.

L’échange qui me parait anodin s’arrête là. L’infirmière fait le tour de mon lit jusqu’à me faire face, de mon côté. Elle soulève le drap et sans aucune sommation, saisit mon sexe. Après tout ce qu’il vient de se passer, Je ne ressens pas la moindre gêne et je m’en fais même la réflexion. Je fais soudainement le lien avec la discussion sur le tuyau. Je n’ai pas le temps d’ouvrir la bouche que « aaaarrrrrgggggghhhhhhhhhhh !!   mais vous faites quoi ??!!» Elle vient d’enfoncer l’extrémité du tuyau dans mon urètre. C’est extrêmement désagréable. Mais pas encore réellement douloureux.
-       - Ca fait un peu mal, me dit-elle avant de se remettre à la tâche.
-       - Non mais…. Arrggggggghhhhh !!!
Impossible de contrôler le volume de ma voix, je suis en train de crier, littéralement. Par de grands gestes amples que j’aperçois du coin de l’œil, elle continue d'enfoncer le tuyau. Ca fait de plus en plus mal. Je serre les dents mais elle ne semble pas vouloir s’arrêter. Je me rappelle alors de la discussion sur les 1 mètre qui auraient du être 75 centimètres. La douleur devient insupportable. Je m’aperçois qu’elle n’arrive pas à ses fins, j’ai donc le droit à un nombre bonus de tentatives.  Au bout d’un moment elle semble se décourager et je saute sur l’occasion pour dire « Arrêtez ! je peux faire pipi tout seul ! je vous jure, je vais plus m’évanouir, vraiment, arrêtez ! » Je suis en nage.
L’opération est annulée. Je me dis que c’était ça, la véritable épreuve de la journée.

La suite de mon séjour à l’hôpital comportera son lot d’incongruités qui ne valent pas vraiment la peine d’être racontées ici. Le neuro-chirurgien me fera quelques points de suture sur le crâne, puis m’enverra faire un scanner des cervicales qui révèlera deux fractures. Je lui ferai part de ma douleur au dos qu’il m’assurera être normale. J’irai moi-même quelques jours plus tard passer un scanner du dos qui fera apparaitre deux tassements de vertèbres pour lesquels je serai opéré une fois en France. Merci George Clooney.

Quand je repense aux émotions vécues lors de cette journée, je m’aperçois qu’au-delà de la peur et du choc, je me suis senti très honteux dans les premiers instants qui ont suivi l'accident. Honteux d’avoir pris de tels risques pour satisfaire mon égo. Pour marcher dans la rue en me disant « vous pensez ce que vous voulez de moi mais j’ai surfé Dracula’s par deux mètres off shore » Certes je me serais sans doute régalé une fois à l’eau mais j’aurais aussi pu laisser ma peau sur ce rocher. La morale de cette histoire c’est que parfois l’égo ça aide à avancer, mais parfois l’égo, c’est de la merde.

Bisous. Et du fin fond de mon cœur, merci à tous ceux qui m’ont envoyé leurs bonnes ondes, ça m’a fait tout chaud à l’âme.



Erection matinale


Petits yeux grosse fatigue

Dracula's et la presqu'île 

Quand on était contents

Juste avant d'être moins content

Ca se voit pas mais hyper content de rejouer!




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